Une des idées reçues sur la Préhistoire concerne l'alimentation. On se représente souvent un personnage hirsute et affamé dévorant de la viande crue. La réalité est bien diffèrente ! L’alimentation des premiers humains a évolué en fonction de leur environnement, de leurs capacités physiques et de leurs découvertes techniques. Depuis les premiers hominidés jusqu’à la révolution néolithique, cette transformation progressive a influencé notre évolution biologique et culturelle. 

Un régime essentiellement végétal pour les premiers hominidés
Australopithecus, apparu il y a environ 4 millions d’années, avait un régime alimentaire principalement composé de végétaux : fruits, feuilles, racines et graines. Sa dentition et son système digestif étaient adaptés à ce type d’alimentation. Cependant, il est probable qu’il consommait aussi occasionnellement des insectes ou de petits animaux trouvés dans son environnement.
Avec Homo habilis (il y a environ 2,5 millions d’années), on observe les premières traces de consommation de viande. Ce n’est pas encore une chasse organisée, mais plutôt de l'opportunisme : Homo Habilis pratique le  charognage et récupèret des carcasses abandonnées par les prédateurs.

L’arrivée de la chasse et de la cuisson des aliments
Avec Homo erectus, il y a environ 1,8 million d’années, la consommation de viande devient plus fréquente grâce aux premières techniques de chasse et à l’utilisation d’outils en pierre pour découper les carcasses. La maîtrise du feu, il y a environ 400 000 ans, marque un tournant majeur. Grâce à la cuisson, les aliments deviennent plus digestes, plus sûrs à consommer et plus variés. La viande cuite apporte davantage d’énergie, ce qui a pu favoriser le développement du cerveau humain.

 

Néandertal et Homo-sapiens, les chasseurs-collecteurs du Paléolithique moyen et récent s'adaptent à leurs environnements

Durant la longue période du Paléolithique (jusqu’à environ -10 000), les humains vivent en petits groupes nomades. Ils s’adaptent à leur environnement, aux conditions climatiques et aux  ressources locales variables
La chasse leur permet de consommer du gibier ( rennes, bisons, cerfs,...), tandis que la pêche et la cueillette complètent leur régime alimentaire avec des poissons, des baies, des fruits, des noix, des champignons et du miel.

Les groupes humains développent des techniques sophistiquées, comme la chasse collective ou le stockage des aliments. Dans certaines régions, la fermentation des aliments est déjà utilisée, notamment pour conserver le poisson. En période tempérée; ils ont une alimentation très diversifiée. En période glaciaire, ils ont un régime plus carné, les ressources végétales étant rares.

Cette illustration d'Emmanuel Roudier, réalisée à partir de données scientifiques représente une scène de vie néandertalienne, sur le site d' El Sidrón, dans les Asturies (Espagne), un retour de chasse avec des bouquetins des Pyrénéees. On note la présence de végétaux destinés à être cuisinés. 

Comment le sait-on ?

Les matières organiques consommées par les populations préhistoriques se sont pas arrivées jusqu'à nous. Eles ne se conservent pas sur un temps long.  C'est donc avec des preuves indirectes que l'on arrive à reconstituer les modes alimentaires des populations anciennes, en croisant plusieurs disciplines scientifiques. 
En archéologie, l'’étude des outils de chasse et de préparation des aliments permet de comprendre comment les hommes préhistoriques se nourrissaient. La tracéologie permet de reconstituer les gestes techniques.comment small L'archéozoologie, avec l'étude des déchets fossiles des animaux consommés  informe  sur les différents gibiers chassés, les pratiques culinaires.et les techniques de boucherie. 
Grâce à la paléopathologie, l’examen des os humains révèle les carences et les maladies liées au régime alimentaire. Sur les dents, du tartre a pu se fossiliser. Son ADN  renseigne sur les aliments consommés ( animaux ou végétaux).  Sur les dents, toujours, les traces d'usure permettent également de déterminer un régime alimentaire. Avec la géochimie isotopique, on peut grâce à de nouvelles techniques d'analyses déterminer si un individu consommait davantage de plantes ou de viande.
Avec l'archéobotanique, un ensemble de disciplines s’intéressent aux vestiges d’origine végétale,. Elles permettentde reconstituer des environnements anciens et fournissent des indications sur les espèces végétables consommées. Le carpologue étudie les graines fossilisées, l'anthracologue les bois carbonisés. L’analyse des résidus organiques : des traces de graisses et de protéines retrouvées sur des poteries ou des outils indiquent la présence de certains aliments. Enfin, l'étude des coprolithes (excréments fossilisés)  permet d’identifier les résidus alimentaires ingérés et de mieux comprendre la proportion entre alimentation carnée et végétale.
                                                                                                                                                                                                                             Illustration Valérie Gatinel

Focus Vallée de la Vézère : tout est bon dans le Renne ! 
renne small Au Paléolithique récent, lors des périodes froides,  le renne, vivant  en immenses troupeaux,  parcourait la vallée de la Vézère.  Au Magdalénien (dernière grande culture du Paléolithique, environ 17 000 à 12 000 ans avant notre ère), il  a représenté jusqu’à 95% du gibier !   Le renne jouait donc un rôle fondamental dans la subsistance des groupes humains. Il représentait une ressource polyvalente : sa viande était consommée fraîche ou séchée, sa peau servait à la confection de vêtements ou de tentes, ses tendons à fabriquer des liens ou du fil, tandis que ses bois et ses os étaient transformés en outils ou objets d’art. Cette exploitation intensive était facilitée par le mode de vie migratoire des rennes, que les groupes humains suivaient ou attendaient lors de passages réguliers. L’abondance des restes de rennes dans les sites de la Vézère montre également une grande maîtrise de la chasse collective, avec des techniques adaptées aux comportements du gibier. Au-delà de l’aspect utilitaire, le renne occupe une place importante dans l’art pariétal et mobilier : gravures, sculptures et bâtons percés illustrent la place symbolique de cet animal dans la culture magdalénienne. Ainsi, dans la vallée de la Vézère, le renne fut bien plus qu’un simple gibier : il constituait un pilier économique, matériel et culturel des sociétés préhistoriques locales.

 Illustration : Feldric Rivat 

 Le Néolithique : la révolution agricole et alimentaire
Vers -10 000, avec l’avènement du Néolithique, l’homme passe progressivement d’un mode de vie nomade de chasseur-cueilleur à un mode de vie sédentaire basé sur l’agriculture et l’élevage. Ce changement fondamental se produit d’abord au Proche-Orient avant de s’étendre à d’autres régions du monde. L’agriculture permet la culture de céréales comme le blé et l’orge, ainsi que de légumineuses comme les pois et les lentilles. Les hommes commencent également à domestiquer des animaux comme les chèvres, les moutons, les bovins et les porcs. Cette domestication fournit non seulement de la viande, mais aussi du lait, permettant ainsi l’apparition des premiers produits laitiers. Les techniques de transformation des aliments se développent : les céréales sont broyées pour produire de la farine, qui servira à fabriquer des galettes. La poterie, qui apparaît à cette époque, permet de stocker et cuire les aliments plus efficacement. Le passage à l’agriculture a un impact majeur sur la santé des populations : si l’alimentation devient plus stable et permet une croissance démographique, elle entraîne aussi des carences nutritionnelles (fer, vitamines) et une augmentation de certaines maladies (caries, infections liées à la sédentarisation).

Ornement alimentation

Illustration Valérie Gatinel

Quid du régime "Paléo" ? 

A la mode ces dernières années, qui ont vu fleurir de nombreuses publications à ce sujet, le "régime paléo" , basé sur l’alimentation supposée des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique, préconise la consommation de viandes maigres, poissons, fruits, légumes, noix et graines, tout en excluant produits laitiers, céréales, légumineuses et aliments transformés. Malgré son succès, ce régime est l’objet de plusieurs controverses.
D'abord, ses fondements historiques sont critiqués : les populations paléolithiques avaient des régimes très variés selon les régions, et les aliments d'aujourd’hui ne ressemblent guère à ceux d’il y a 10 000 ans. Prétendre imiter un modèle alimentaire ancestral unique est donc scientifiquement discutable. Ensuite, l’exclusion de groupes alimentaires entiers comme les céréales ou les légumineuses est jugée excessive. Ces aliments sont pourtant riches en fibres, protéines végétales, vitamines et minéraux, et sont associés à de bons indicateurs de santé dans de nombreuses études. Sur le plan médical, certains bénéfices à court terme (perte de poids, amélioration de la glycémie) ont été observés, mais les données à long terme manquent. De plus, la forte consommation de protéines animales peut poser problème pour la santé cardiovasculaire.
Enfin, ce régime est critiqué pour son coût élevé, son impact environnemental (forte consommation de viande) et sa rigidité, qui peut nuire à l’équilibre alimentaire et au bien-être psychologique.
En résumé, le "régime paléo" a des aspects positifs (réduction des aliments ultra-transformés), mais ses bases scientifiques et ses recommandations strictes restent controversées.

Pour en savoir plus sur l'alimentation préhistorique :

- Les ressources en ligne du Pôle 

Pour en savoir plus sur modes de vie des chasseurs-collecteurs du paléolithique, visionner deux séquences vidéos extraites du MOOC Préhistoire, un nouveau regard, produit par le Pôle avec la fondation Orange, sous la direction scientifique de Jacques Jaubert, professeur de Préhistoire (Université de Bordeaux).
Séquence 1  Les territoires de vie : https://www.youtube.com/watch?v=YIh4BHCgTLI
Comment les chasseurs-collecteurs se sont-ils adaptés aux bouleversements climatiques ? Comment organisaient-ils leurs espaces et leurs déplacements ?
Séquence 2. Les objets et activités du quotidien : https://www.youtube.com/watch?v=qAfWcoF4p-w
À quoi ressemblaient les outils et les armes des chasseurs-collecteurs ? Comment se nourrissaient-ils ?

A la médiathèque du Pôle, une sélection d'ouvrages tout public et jeunesse, à retrouver dans son catalogue 

 Tout public : https://mediatheque.pole-prehistoire.com/cgi-bin/koha/opac-shelves.pl?op=view&shelfnumber=181&sortfield=title

Jeunesse : 

 - Ailleurs sur la toile  - Des ressources en libre accès

Ecouter
Festin préhistorique et évolution. Dans : La terre au carré. Sur le site Franceinter.fr 
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-mercredi-29-mai-2024-1769861
Notre alimentation n'a cessé d'évoluer et nous aussi ! Au fil des millions d'années, l'Homme a varié son alimentation selon les climats et les différents environnements dans lesquels il vivait et chassait. Avec Delphine Vettese, archéozoologue. Elle s'intéresse aux comportements de subsistance et techniques des hommes préhistoriques

Voir 
Cap Sud Ouest : des mets et des mots . France 3 Nouvelle-Aquitaine, 2022.
https://www.youtube.com/watch?v=1Mx9Ni89-o0
Eric Perrin vous propose de partir en exploration au cœur de notre patrimoine culinaire. En Dordogne, nous faisons un bond en arrière de 25 000 ans dans le Périgord du temps de Cro-Magnon ! Que mangeaient nos ancêtres ? Comment cuisinaient-ils ? Quel rôle a joué le repas pris en commun dans le développement de l’humanité ? Autant de questions  auxquelles répondent Serge Maury, archéologue et préhistorien, et Geneviève Pinçon, alors directrice du Centre National de Préhistoire dans la première partie de ce magazine.

- Des ressources payantes
Les cuisines de la préhistoire 
 Épisode 1: Sapiens, le chasseur-cueilleur - Épisode 2 : Sapiens, l’agriculteur
Cette  mini série documentaire réalisée par Charles-Antoine de Rouvre, tournée en partie en Dordogne, nous propose de nous rendre dans les cuisines de nos ancêtres, les chasseurs-cueilleurs et les premiers agriculteurs.
Disponible sur Arte.tv
https://boutique.arte.tv/detail/dans-les-cuisines-de-la-prehistoire?srsltid=AfmBOoowgtnLpQW6lEsKLz5EvtPSm09mNhjPQx38OyBPm1KU6Y9N4Hhf