Trois nouvelles pièces à conviction
Au cours des années 1890, trois grottes “ ornées ” sont successivement découvertes.
Tout d’abord la Mouthe (Dordogne) dont Émile Rivière constate l’authenticité en 1895. Vient ensuite Pair-non-Pair (Gironde) où François Daleau identifie en 1896 la figure d’un cheval à la tête retournée.
Enfin Marsoulas (Haute-Garonne) où en 1897 Félix Regnault découvre à vingt mètres de l’entrée des animaux peints à la sanguine. Grâce à leurs travaux, le dossier de l’art pariétal s’épaissit.
Dans l’esprit des préhistoriens, il n’est plus question de condamner par principe mais d’engager un véritable débat scientifique.
Donner à voir pour convaincre
Avec la Mouthe, Pair-non-Pair et Marsoulas, Altamira n’est plus “ unique ”. Ce caractère qui a fondé une des principales objections contre l’art pariétal s’effondre. Dans leur publication, chaque découvreur se réfère largement aux découvertes des deux autres, sans omettre de rappeler les œuvres d’Altamira. Ils mettent ainsi en valeur les analogies qui existent d’une grotte à l’autre. Émile Rivière constitue alors un “ inventaire ” des grottes ornées.
"Les dessins gravés et coloriés existent dans la grotte de La Mouthe, lesquels ont été exécutés aux temps préhistoriques.
Et cette découverte, je m’empresse de le dire, se trouve heureusement confirmée par celle d’un de nos collègues bien connu : M. François Daleau. En effet M. Daleau m’annonçait le 2 septembre dernier (1896) qu’il explorait depuis plusieurs années, une caverne quaternaire dont les parois portent des gravures peu déchiffrables . Il s’agit de la grotte de Pair-non-Pair. […]
D’autre part, M. Félix Régnault (de Toulouse) m’écrivait le 25 avril dernier, “ que mes découvertes de peintures préhistoriques dans la grotte de La Mouthe avaient éveillé ses souvenirs et qu’il venait de revoir une caverne [Marsoulas] qui renferme des dessins à la sanguine d’animaux et d’objets indéterminés dessinés sur les parois de la dite caverne. […]
À ce second fait, s’il est authentique, faut-il ajouter celui qui m’a été signalé à la fin de l’année 1895, par M. E. A. Martel, c’est-à-dire celui dont M. Léopold Chiron, instituteur à Saint-Just-l’Ardèche, parle dans une note sur le magdalénien du Bas Vivarais. Dans ce travail, l’auteur consacre à la grotte Chabot, située à Aiguèze (Gard), quelques lignes accompagnées de deux gravures : l’une de la paroi de droite formant le corps d’un homme, le bras pendant le long du corps et les jambes écartées, l’autre de la paroi gauche du rocher intérieur où l’on voit un arc tendu. […]
Quant à la grotte espagnole d’Altamira, elle a été étudiée par M. de Sautuola qui y aperçut, par hasard, dans une seconde visite des peintures représentant divers animaux. Il explora aussitôt, avec soin, toute la grotte et y trouva beaucoup de dessins. Or, ces dessins sont tracés à l’ocre rouge, au charbon, ou gravés dans la roche. Ils représentent des bœufs tous munis d’une bosse — absolument comme le bison de la grotte de La Mouthe — un cheval (?) — peut-être comme l’équidé aussi de La Mouthe — et une biche. Ils sont encore, comme dans ma grotte, généralement de grande taille. […]."
Source : Emile Rivière, La grotte de La Mouthe (Dordogne), Congrès de l’Association française pour l’avancement des sciences, 26e session, Saint-Étienne, 1897, Paris, Secrétariat de l’association, 1898, t. 2, pp.669-687
Pour parfaire leur démonstration, les chercheurs utilisent le dessin qui devient pour eux un argument clé. Tout comme la photographie qui malgré les problèmes techniques, est jugée encore plus convaincante.
De son côté, François Daleau complète le dossier de Pair-non-Pair par des moulages et des relevés au moyen de l’estampage. En multipliant les supports, il se donne les moyens d’une véritable campagne de communication pour diffuser et promouvoir sa découverte.
"Grâce à une subvention de l’Association française pour l’avancement des sciences, j’ai fait mouler avec de la terre glaise et avec du plâtre, les divers points des parois de la grotte sur lesquels sont gravés ces curieux dessins. Ces fidèles reproductions, composées de treize planches, m’ont été d’un grand secours. J’ai pu les étudier chez moi, et, en les plaçant à bonne lumière, je suis arrivé à découvrir six nouvelles gravures dans les lignes enchevêtrées. En mai 1898, j’ai présenté à la Société archéologique de Bordeaux […] les estampages de ces nouveaux dessins. En septembre, je fis part à l’Association française, de cette découverte […].
En novembre de la même année, j’offris au Musée préhistorique de Bordeaux, huit planches de ces moulages. En avril 1900, dix planches figuraient au Trocadéro, à l’exposition de l’Ecole d’anthropologie ."
Source : François Daleau, Gravures paléolithiques de Pair-non-Pair, commune de Marcamps, Gironde, Actes de la Société archéologique de Bordeaux, 1897