Une lumière lève l’ultime objection
En août 1889 alors que les fouilles se poursuivent à la Mouthe, les ouvriers mettent au jour un godet en grès rouge. Selon Emile Rivière, il s’agirait d’une lampe ! Adrien Mortillet confirme cette interprétation. Pour lui la pièce de grès est comparable aux lampes dont se servent encore les Esquimaux. Cette ultime découverte vient enfin fournir la réponse à la question tant débattue de l’éclairage, notamment par E. Harlé :
"[…] Aucun dessin n’a pu être tracé ni examiné sans le secours d’une lumière artificielle. […] Cependant on ne voit nulle part de surfaces noires comme en aurait occasionné l’action prolongée d’un éclairage fumeux. […] On doit conclure pour tous ces dessins, et surtout pour ceux dont l’exécution a exigé le plus de temps, qu’ils datent d’une époque où l’éclairage était très perfectionné. "
Source : Edouard Harlé, La grotte d’Altamira près de Santander (Espagne), Matériaux pour l’histoire primitive et naturelle de l’homme, t 16. 1881 ,pp.275-283.
Juan Vilanova, lui, écrit :
"L'absence de toute trace de fumée et l’éclairage actuel de la caverne, tout à fait insuffisant pour que l’artiste ait pu faire les dessins et les peintures, ont été invoqués […] pour nier leur ancienneté ; mais […] il ne faut pas oublier la finesse qu’acquiert le sens de la vue chez les gens habitués à vivre, comme les Troglodytes, dans l’obscurité."
Source : Juan Vilanova y Piera, Sur la caverne de Santillana, Congrès de l’Association française pour l’avancement des sciences, 11e session, La Rochelle, 1882, Paris, Secrétariat de l’Association, 1883, p. 669-673
Extraite de la couche magdalénienne, la lampe est parfaitement datée par la stratigraphie. De plus, sur l’une de ses faces est gravé un bouquetin semblable à ceux identifiés sur les parois de la grotte. Cette “ lumière ” établit ainsi indirectement la datation des gravures de la Mouthe. Leur ancienneté ne peut plus faire de doute. Emile Rivière savoure son triomphe…
"L'un des arguments auxquels on a eu recours, sans la moindre apparence de raison, pour contester l’ancienneté des gravures de La Mouthe a été, comme vous le savez, l’absence de lumière nécessaire à l’artiste des temps préhistoriques pour son travail. Cet argument invoqué par une personnalité scientifique dont je ne veux pas rappeler le nom, cet argument plusieurs d’entre vous en avait fait facilement justice ici même […].
Et je crois qu’il me sera permis de dire, sans être taxé d’orgueil, que, grâce à la pièce découverte le 29 août dernier à La Mouthe et que j’ai l’honneur de vous montrer, la lumière est faite sur la question de l’éclairage dans cette grotte. Cette pièce est une véritable lampe préhistorique, lampe de l’époque magdalénienne, comme le milieu dans lequel elle a été trouvée le démontre définitivement.
Source : Emile Rivière, La lampe en grès de la grotte de La Mouthe, Bulletin de la Société d’Anthropologie de Paris, 4eme série, t. 10, 1899.