Une nouvelle étude décrit pour la première fois les processus liés au développement qui différencient les squelettes faciaux de Néandertal de ceux des hommes modernes.

Une équipe de recherche internationale, dirigée par le paléoanthropologue Rodrigo Lacruz, a montré que les Néandertaliens, qui sont apparus il y a environ 200 000 ans, sont tout à fait distincts des Homo sapiens dans la manière dont leurs visages grandissent, alimentant ainsi le débat concernant la séparation de ces deux groupes. L'article, "Ontogenèse du Maxillaire chez les Néandertaliens et leurs ancêtres," a été publié dans Nature Communications.

Ceci est une pièce importante du puzzle de l'évolution car certains pensaient jusqu'à présent que l'on ne devait pas considérer les Néandertaliens et les hommes modernes comme des branches distinctes de l'arbre généalogique humain. Cependant, ces nouvelles découvertes, basées sur des modèles de croissance faciaux, indiquent qu'ils sont en effet suffisamment distincts l'un de l'autre. Comprendre les processus morphologiques qui distinguent les visages des Néandertaliens des hommes modernes est un facteur potentiellement important dans la compréhension du processus d'évolution de la forme archaïque à la forme moderne.

L'os est formé par un processus de déposition osseuse par ostéoblastes (des cellules formant os) et de résorption par ostéoclastes (absorbant l'os). Les processus cellulaires touchant à la croissance sont préservés sur les os. La résorption peut être vue comme des structures semblables au cratère - appelé des lacunes - sur la surface osseuse, tandis que les couches de dépôt d'ostéoblastes ont une apparence relativement lisse. Chez les hommes modernes, la couche la plus éloignée de l'os du visage consiste en grands champs de résorption, mais chez les Néandertaliens, c'est l'opposé : dans la couche la plus éloignée de l'os, il y a une vaste déposition osseuse.

Ce processus de croissance osseuse faciale par déposition a donc contribué au développement d'un maxillaire (prognathe) saillant (l'os maxillaire supérieur) chez les Néandertaliens tandis que chez les enfants d'hommes modernes, les visages grandissent par résoption, particulièrement dans la partie inférieure du visage, menant à une mâchoire plus plate.
L'équipe a étudié plusieurs crânes d'enfant néandertaliens bien préservés issus notamment du site de La Quina dans le sud-ouest de la France et les a comparé aux visages d'adolescents de la Sima de los Huesos en Espagne. On considère les fossiles de la Sima comme les ancêtres probables de Néandertal en raison de leurs caractéristiques anatomiques et de l'analyse de leur ADN.
Jusqu'à présent, les Néandertaliens étaient considérés comme une branche différente des hominidés. Mais en fait, ils partagent avec les hominidés africains un modèle de croissance faciale semblable. C'est en réalité les hommes modernes qui ont dévié du modèle héréditaire. En ce sens, le visage qui est unique est le visage de l'homme moderne.

La prochaine étape pour les scientifiques est par conséquent d'identifier comment et quand les hommes modernes ont acquis ce plan de développement de croissance facial si particulier.

 

Source :

Rodrigo S. Lacruz, Timothy G. Bromage, Paul O’Higgins, Juan-Luis Arsuaga, Chris Stringer, Ricardo Miguel Godinho, Johanna Warshaw, Ignacio Martínez, Ana Gracia-Tellez, José María Bermúdez de Castro, Eudald Carbonell. Ontogeny of the maxilla in Neanderthals and their ancestors. Nature Communications, 2015; 6: 8996 DOI: 10.1038/ncomms9996. Publié en ligne le 07/12/2015.

 


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