Communiqué de presse CNRS - publié le 29 janvier 2018 : 

Découvrir des fossiles humains du Pléistocène est toujours exceptionnel. Une équipe internationale a identifié pour la première fois à Marillac – Les Pradelles (Charente) des dents néandertaliennes partiellement digérées par des grands carnivores, résultats qui viennent d’être publiés dans le vol 28 de la revue Paleo.
Suite à leur ingestion, la morphologie de ces dents est modifiée : elles ressemblent alors à des dents de lait de bovidés ou de cervidés. Cela ouvre donc de réelles perspectives de découvertes dans tous les sites plio-pléistocènes qui ont été fréquentés par de tels prédateurs.
Le gisement moustérien (de type Quina) de Marillac ou Les Pradelles à Marillac-le-Franc (Charente) était un lieu dédié à l’exploitation spécialisée des carcasses ou parties de carcasses de Rennes par les Néandertaliens. Il ne s’agissait pas d’un habitat… mais d’une « boucherie ».
En plus des milliers de restes de faune, des fragments osseux (surtout crâniens) néandertaliens et des dents humaines isolées ont été mis au jour. Si les éléments osseux – animaux comme humains - présentent de nombreuses traces d’origine anthropique (cassures sur os frais, traces de découpe, etc), certaines dents ont été partiellement digérées… Cela démontre l’existence d’interactions inamicales entre les groupes néandertaliens, et entre ces derniers et les grands carnivores tels que l’Hyène des cavernes.

C’est la première fois que cette atteinte taphonomique très particulière est identifiée sur des dents humaines à cause de leur forme largement modifiée. En effet, l’attaque par l’acidité et les enzymes des sucs gastriques produit des modifications différentes sur l’émail et la dentine. La dent présente une étrange patine, la couronne dentaire semble volumineuse relativement à la racine dont l’apex devient très ouvert, le collet ne se situe plus en position anatomique. In fine, les incisives ou les canines humaines ressemblent alors à des dents de lait de bovidés ou de cervidés et peuvent être mal identifiées dans les collections de dents de faune. Même si les Néandertaliens sont connus pour avoir inhumé certains de leurs morts dans d’autres gisements, ce n’était pas le cas à Marillac / Les Pradelles. Tous les restes humains se trouvent mélangés avec les vestiges de faune dans les sédiments. Comme certaines de ces dents étaient en place sur leur arcade maxillaire ou mandibulaire, cela signifie que les carnivores ont charogné des « morceaux » de faces humaines. Si la vie des Néandertaliens n’était pas facile, leur devenir après la mort était aussi risqué…
Enfin, il est évident pour les auteurs de cette publication que les collections d’autres gisements doivent abriter des dents humaines non reconnues, car partiellement digérées, et mêlées avec les dents déciduales de faune… Pour rappel : les fouilles menées dans ce gisement se sont déroulées de 1967 à 1989 sous la direction de B. Vandermeersch puis de 2001 à 2013 sous celle de B. Maureille (UMR5199 PACEA) et A. Mann (Princeton University). L’équipe scientifique (riche de 25 membres) associe 6 UMR, l’Inrap, la société Archéosphère, Princeton University, l’Australian national University et l’Universidad Complutense de Madrid.

Les réfèrences de la publication scientifique :
Maureille B., Costamagno S., Beauval C., Mann A. E., Garralda M. D., Mussini C., Laroulandie V., Rendu W., Royer A., Seguin G., Vandermeersch B.
The challenges of identifying partially digested human teeth: first description of Neandertal remains from the Mousterian site of Marillac (Marillac-le-Franc, Charente) and implications for Palaeoanthropological research. Paleo, 2017, 28 : 201-214.

 


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