Les hommes qui nous ont précédés dans la vallée de la Vézère se sont exprimés de façon symbolique et artistique par le biais des sépultures et de l’art pariétal. Ces pratiques font partie des premiers témoignages d’expression symbolique attestés de l’humanité. Si Cro-Magnon a laissé de nombreux témoignages de son passage dans la Vallée, il n'est pas son premier habitant.
Il a été précédé par un autre représentant du genre Homo, l''Homme de Néandertal, dont les plus anciennes traces d'occupation remontent à environ 400 000 ans.
Des contacts entre les deux espèces se sont probablement produits ici dans la vallée de la Vézère, mais les scientifiques sont partagés sur la nature de ces échanges. De même, on n'est pas actuellement en mesure d'expliquer les causes de la dispartion de l'Homme de Néandertal qui s'est éteint il y a a environ 30 000 ans.
Expression symbolique de Néandertal : les premières sépultures
Néandertal n'est pas la brute épaisse si souvent représentée dans l'imagerie populaire. Il est à l'origine d'une riche culture matérielle appelée Moustérien (de l'Abri du Moustier). Il est capable de fabriquer des outils standardisés et très efficaces. Il possède également une sensibilité esthétique. En témoignent l'utilisation importante de pigments tels que l'ocre, la collecte de plumes, de coquillages, de fossile ou de minéraux rares. Il semble aussi être le premier à avoir eu des préoccupations d’ordre symbolique et spirituel : il inhume ses morts.
A partir du Paléolithique moyen (-100 000 ans), l’homme enterre ses morts en pratiquant des rites funéraires ; ce sont les premières sépultures primaires c’est-à-dire les « premières inhumations en pleine terre sans intervention ultérieure ». Considérées comme une nouvelle étape dans l’humanité, elles sont interprétées comme les premiers témoignages d’une croyance dans l’au-delà que les archéologues tentent de mettre en évidence à travers le traitement du défunt (position du corps, creusement d’une fosse, recouvrement du corps par des dalles, objets associés ...).
Ce mode d’expression symbolique a un triple intérêt pour notre connaissance de ces populations :
- d’un point de vue biologique, l’étude de populations inhumées permet de connaître l’état de santé des individus, l’âge de leur mort, éventuellement la cause…,
- la sépulture étant considérée comme un ensemble clos par définition, les objets retrouvés avec le défunt lui sont forcément contemporains et elle permet de mieux caractériser la culture matérielle de ce dernier,
- un ensemble de sépultures donne également une idée de l’organisation sociale d’un groupe humain, une donnée qui échappe souvent au préhistorien faute d’éléments conservés.
Les sépultures néandertaliennes sont réparties entre l’Europe occidentale et l’Asie du Sud-Ouest avec deux points de concentration : la vallée de la Vézère (26% des sépultures néandertaliennes mondiales sont dans la vallée de la Vézère) et le Proche-Orient qui représentent les deux grands ensembles mondiaux.
Sur une trentaine de kilomètres , autour de la Vézère, on compte quatre gisements (La Ferrassie le Regourdou, le Moustier, le Roc-de-Marsal) où 11 sépultures Néandertal ont été mises à jour, soit un tiers des sépultures connues à ce jour dans le monde.
La Ferrassie : les restes de six néandertaliens, quatre enfants et deux adultes, furent mis au jour par D. Peyrony entre 1909 et 1920 dans les couches moustériennes. Un septième individu, un enfant, fut découvert par Delporte au cours de fouilles plus récentes. Cet ensemble constitue une des plus importantes séries de Néandertaliens européens. Les squelettes sont parmi les plus complets et leur apport à la connaissance de ce groupe fossile est fondamental. Les deux adultes n’étaient pas dans des fosses mais reposaient à 50 cm l’un de l’autre en position semi-fléchie. A proximité, deux petites fosses ont livré, l’une un enfant de 10 ans, l’autre deux nouveaux-nés. Neuf monticules furent découverts, l’un d’entre eux contenant à sa base un fœtus. Une fosse, scellée par une dalle à cupules contenait également un enfant de trois ans.
Le Régourdou : un squelette incomplet de néandertalien a été découvert en 1957 inhumé sous un tas de pierres. Les ossements préservés, la mandibule, une partie des membres et du tronc, sont dans un état de conservation remarquable et apportent une information très précise sur la morphologie de ce groupe fossile. Des restes d’ours (deux tibias) et de cerf (un bois de chute) étaient également présents dans la sépulture délimitée par des murs en pierre sèche incluant un tumulus de blocaille et de sédiments cendreux. C’est la sépulture la plus ancienne retrouvée en Europe occidentale. D’autres fosses et amas de blocs contenant également des restes d’ours se trouvent dans des niveaux sous-jacents.
Le Roc-de-Marsal : enseveli dans une fosse intentionnelle, le squelette presque complet d’un enfant néandertalien de trois ans y a été découvert en 1961 par J. Lafille. L’enfant était couché sur le ventre légèrement sur le côté droit, le haut du corps en hypertension vers l’arrière, les jambes à 90° des cuisses, pliées vers l’arrière : cette position en arc de cercle plaide pour l’emploi d’une dépression naturelle du sol en guise de fosse funéraire. Mais l’excellente conservation des connexions articulaires, très fragiles à cet âge si le corps n’est pas rapidement enseveli, plaide tout de même pour le caractère intentionnel de l’inhumation.
A partir de ces restes humains, on peut dresser un portrait robot : Néandertal est trapu, massif, très musclé, mesure environ 1m 60, Son crâne est assez large, allongé vers l'arrière, ses orbites sont surmontées d'un bourrelet osseux. Néandertal va donc s'éteindre, il y a 30 000 ans, mais avant cela il aura sans doute croisé dans la vallée de la Vézère notre ancêtre direct, l'Homme de Cro-magnon, arrivé en Europe il y a 40 000 ans, depuis l'Afrique, en passant par le Proche-Orient.
Expression symbolique monumentale de Cro-Magnon
l'histoire de l'Homme de Cro-Magnon est intiment liée à celle de la Vallée de la Vézère, puisque qu'il doit son nom à l'abri Cro-Magnon, aux Eyzies-de -Tayac, où furent découverts en 1868 les squelettes de cinq individus . Cro-Magnon devient alors synonyme du premier homme moderne européen.
A part une plus grande stature et un squelette plus robuste, l’Homme de Cro-Magnon est anatomiquement semblable à nous. Aujourd’hui, le terme Cro-Magnon est tombé en désuétude et les spécialistes préfèrent parler d’ Homme Moderne ou d’Homo sapiens sapiens, le nom scientifique désignant tous les hommes actuels et leurs derniers ancêtres directs, dont Cro-Magnon.
Avec lui, l'outillage se diversifie et l'emploi des matières organiques comme le bois de cervidé, l'ivoire, l'os, se développe.
Ces importantes transformations technologiques et culturelles sont accompagnées par l'apparition de multiples expressions artistiques : l’art peint (sur les parois des grottes), gravé, modelé ou sculpté sur différents types de supports.
La Vallée de la Vézère compte 25 grottes ornées, et ses gisements ont livré de superbes objets d'art mobilier (l'expression «art mobilier» désigne la production d'objets de dimensions limitées, donc mobiles ou déplaçables).
C’est l’authentification de la grotte de La Mouthe par les scientifiques en 1902 qui a marqué le début de ces recherches mettant ainsi un terme aux débats suscités par la découverte très controversée de la Grotte d’Altamira (Espagne) en 1879.
Par la suite les découvertes se succèdent permettant ainsi aux spécialistes de mieux comprendre le comportement artistique à travers les thèmes mais également les techniques utilisées. Elles s’adaptent parfaitement aux spécificités et aux contraintes des supports naturels : par exemple, sur les parois argileuses, tendres, les artistes paléolithiques ont exécuté des tracés digitaux et sur des surfaces dures et irrégulières, le choix s’est porté sur la peinture au soufflé. L’ensemble de ces techniques sont, en outre, complémentaires entre elles : pour rehausser un contour, un trait gravé peut se superposer à un trait peint.
Très spectaculaire, la peinture, dominée par les rouges et les noirs (plus rarement les jaunes et les bruns et exceptionnellement le blanc), est tout de même moins fréquemment rencontrée, probablement pour des raisons évidentes de conservation, que la gravure. Cette dernière technique permet d’exécuter des figurations très diversifiées grâce à la variation de la morphologie et de l’angle de l’outil utilisé. Cette technique est en continuité avec celle de la sculpture, également très spectaculaire (frise du Cap Blanc).