Une exploration des territoires
C’est au cours du XIXe siècle que l’étude de la préhistoire devient une discipline scientifique. Le débat fondateur de ce nouvel espace de recherche concerne la « haute antiquité de l’homme », selon l’expression employée dans les années 1840. Il s’agit alors essentiellement de démontrer que l’homme a vécu à la même époque que les grands mammifères fossiles que l’on connaît très bien depuis le début du XIXe siècle grâce à la paléontologie stratigraphique (étude des couches de terrain) et à l’anatomie comparée (étude de la morphologie des animaux fossiles).
Les éléments destinés à alimenter ce débat sont donc à rechercher sur le terrain, en suivant l’exploitation des carrières de sables et de graviers, en surveillant les grands travaux d’aménagement qui se développent alors (dans les villes, mais également dans les campagnes avec le développement des routes et du chemin de fer), ou en pratiquant des fouilles avec des équipes d’ouvriers.
L’archéologie préhistorique se lance donc dans une exploration des territoires, tentant de retrouver dans le paysage familier, alors en pleine transformation, le paysage parcouru par l’homme préhistorique il y a un temps très long que l’on ne peut pas encore dater. Cette recherche dans laquelle les amateurs jouent un rôle important, souvent au sein des sociétés savantes locales va ainsi faire émerger des « provinces préhistoriques » qui couvriront bientôt toute l’Europe.
En France, c’est dans la vallée de la Somme que l’aventure débute avec l’affaire de « l’homme fossile » ou « homme antédiluvien » (antérieur au déluge). A l’issue d’un long débat qui trouve sa résolution en 1859, la haute antiquité de l’homme est reconnue par un ensemble de savants français et anglais, ouvrant la perspective des temps préhistoriques et un vaste champ de recherche. A partir des années 1860, celui-ci se déploie très rapidement sur l’ensemble du territoire national, et de découverte en découverte, la carte de la préhistoire se précise.
La vallée de la Vézère
La vallée de la Vézère, en Dordogne, devient très vite un lieu de prédilection pour l’exercice de la préhistoire. Dans cette vallée qui constitue tout au long de la préhistoire un lieu particulièrement favorable à l’installation des hommes pour des raisons géologiques et climatiques, se développe une occupation préhistorique très dense parvenue jusqu’à nous grâce à d’excellentes conditions de conservation.
Dans le dernier tiers du XIXe siècle, de très nombreux sites y sont explorés qui livrent des collections exceptionnelles et fournissent les grands cadres de la chronologie du Paléolithique. C’est en vallée de la Vézère que se trouvent la grande majorité des sites dits éponymes, c’est-à-dire ayant été choisis pour nommer une période de la préhistoire, en raison de leur caractère représentatif. A côté de ce lieu privilégié, les études préhistoriques se développent dans plusieurs zones qui constituent aujourd’hui la Nouvelle Aquitaine, prolongeant bien souvent les découvertes réalisées en Dordogne ou ouvrant de nouvelles perspectives de recherche.
Restes humains
Si la découverte des restes humains de Cro-Magnon (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne) donne dès 1868 un visage à l’homme du Paléolithique supérieur, la découverte de la Chapelle-aux-Saints (Corrèze) intervenue en 1908 démontre que l’homme de Néandertal, artisan des industries du Paléolithique moyen, pratiquait des rites funéraires.
C’est à cette même époque que se rapporte le gisement de la Quina (Les Gardes, Charente) qui a livré un abondant mobilier lithique et les reste de près d’une trentaine d’individus.
Grottes et abris ornés
Grottes et abris ornés sont également nombreux traduisant cette même émergence d’une dimension symbolique de la pensée de l’homme préhistorique. Aux nombreuses grottes de la vallée de la Vézère, parmi lesquelles Lascaux (Montignac, Dordogne), répondent celles des Pyrénées et plus particulièrement du pays basque, comme Isturitz ou Oxocelaya (Saint-Martin d’Aberoue, Pyrénées atlantiques) ou la grotte de Pair-non-Pair (Marcamps) en Gironde qui, découverte en 1896, joua un rôle important dans la reconnaissance de l’art pariétal.Les abris ornés qui, contrairement aux grottes profondes, constituent des sites d’habitat sont également communs à l’ensemble du territoire de la Nouvelle Aquitaine. La plupart d’entre eux se rapportent au Magdaléniens (il y 15 000 ans environ) : Cap-Blanc (Marquay, Dordogne), l’abri Reverdit (Sergeac, Dordogne), Le Roc-aux-Sorciers (Angles-sur-l’Anglin, Haute Vienne) ou encore La Chaire à Calvin (Mouthiers-sur-Boëme, Charente), un autre abri de ce dernier département, Le Roc-du-Sers (Sers) a livré une occupation un peu plus ancienne, allant essentiellement du début du Paléolithique supérieur au Solutréen.
Ces quelques éléments ne constituent qu’un faible aperçu de la richesse préhistorique de la région Nouvelle Aquitaine dont les paysages restent encore aujourd’hui profondément marqués par près de 400 000 ans d’aventure humaine.